mercredi 5 novembre 2025

Chapitre III : l’individualisme

Il y a quelques semaines, on a eu une forte inondation dans l’arrondissement du sud de Saragosse, et une petite maison et le jardin potager d’un de nos amis avaient été sérieusement affectés. J’ai décidé de créer un groupe WhatsApp pour organiser une journée d’aide, quelque chose de normal si cela s’était passé il y a dix ans, mais la réponse que j’ai trouvée chez les amis du groupe était loin d’être solidaire : des excuses, des barrières, et même la ridiculisation de ma proposition. Les amis préféraient le loisir banal au loisir d’aider quelqu’un qu’on aime.

Cet ami, qui n’a jamais su l’existence de ce groupe, me disait quelques jours plus tard, en parlant d’autres choses, que l’esprit des Louisianeros s’était perdu et que maintenant ce n’est plus qu’un groupe pour la fête et l’alcool. Il ajoutait que, malheureusement, c’était une évolution commune dans plusieurs groupes après la postpandémie, mais qu’il restait encore des groupes et des personnes fidèles à un sens plus social.

À ce moment-là, les amis avons parlé aussi de la fête d’Halloween, et quelqu’un disait qu’il préférait les costumes, les enfants jouant ou le temps pour un petit voyage de trois jours n’importe où, plutôt que la tristesse d’un cimetière en portant des fleurs. J’ai parlé des rituels typiques hispaniques, où les peuples font la fête avec la nourriture et l’alcool autour des tombes des proches, en visitant aussi les proches des amis et en construisant de la communauté, mais il semblait que cela ne remplissait pas suffisamment les intérêts individuels des Louisianeros. 

Quelques semaines plus tard, le premier enfant du groupe d’amis est né, et en discutant du cadeau à offrir de la part du groupe, il y avait des positions — et surtout des attitudes — que je n’aurais pas pu imaginer. D’une part, la quantité d’argent à donner, avec différentes options, toutes abordables ; mais surtout, le manque d’empathie et même de respect envers les positions des gens qui n’auront pas d’enfants mais qui vont payer pour chaque cadeau pendant les prochaines années. Le problème n’était pas économique, mais surtout un manque de considération et même une ridiculisation toxique des idées qu’on ne partage pas, tout cela sous les intérêts individualistes des uns et des autres.

Quand j’ai décidé d’essayer de retourner à Saragosse après deux ans, tout le monde semblait content, espérant un Marco dynamisant et joyeux. Mais quand mes problèmes personnels sont apparus et que j’ai décidé de faire une pause dans les processus, les mêmes personnes qui voulaient un Marco pour la fête et le bonheur ont commencé à me critiquer et à se moquer, car on veut la bonne partie de tout — des « amis », de la copine, des bébés ou de la famille — mais pas la partie négative.

Puisqu’on dit que chacun a son propre sac émotionnel à porter, et que le reste de la vie sert à l’alléger, il est vrai qu’on ne doit pas porter un surplus de poids émotionnel des autres. Mais on ne doit pas non plus être si intéressés à profiter des autres sans aucun compromis : la clé est de chercher et de trouver l’équilibre entre nos intérêts et la vie empathique et sociale. Malheureusement, on avance vers une distorsion de plus en plus profonde.