lundi 27 octobre 2025

Chapitre II: mamie

Un de mes premiers souvenirs dans mon cerveau est de mamie, qui est morte quand j’avais quatre ans. Elle portait sa typique « bata de yaya » bleue et essayait de descendre les escaliers de la maison de mon oncle et de ma tante, à Montañana. Il n’y avait pas beaucoup d’escaliers, peut-être une quinzaine, mais c’était trop pour elle, avec sa santé déjà faible. Mes tantes et une de mes cousines, Elisa, l’aidaient à descendre pour se reposer dans le jardin, pour l’un de ses derniers repas en famille.

« Yaya Chon » cherchait du regard où se trouvait son petit-fils favori, selon ses propres mots. Le seul fils de son seul fils et le plus jeune, qu’il avait eu après quarante ans, quand personne n’aurait imaginé : moi. À ce moment-là, ma cousine Ana, environ dix ans plus âgée que moi, venait me voir et me disait tendrement que j’étais son cousin favori : de façon inattendue, j’ai découvert le sens du mot « mensonge ».

Pour être honnête, ce n’est pas un souvenir direct de mon cerveau, mais une reconstitution d’un souvenir que je me suis forcé à entraîner, réviser et garder en mémoire, puisque j’étais conscient de son importance depuis mes quatre années déjà ternes. Je l’ai vécu et je me force à l’étudier tous les quelques mois depuis mes quatre ans, car je ne veux pas oublier l’une des seules deux expériences vivides avec mamie Chon.

Pourtant, ce n’est pas le premier souvenir que j’ai, directement ou indirectement, dans ma mémoire. Il y en a un autre, que pendant longtemps j’ai cru être le premier jour de ma vie, mais après avoir parlé avec mon père en regardent les photos, il m’a dit que cela se passait quand j’avais un ou deux ans. C’était la nuit, et mes parents me posaient à moitié dans leur lit et me prenaient en photo. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais l’atmosphère était rose, et ils utilisaient une caméra argentique. Ça m’amusait et je riais, et la réponse de mes parents était un autre sourire. Et quand je les regardais sourire, je riais encore plus. Et ils souriaient encore plus. Le visage de mon père était le plus heureux et chalereux que j’aie jamais vu, et celui de ma mère paraissait heureux aussi... mensonge. 

lundi 20 octobre 2025

Chapitre I : Qu’est-ce qu’il se passe ?

Année 2023. Miguel est arrivé à Hanoï. Il était la première personne que j’ai rencontrée sur trois continents différents : l’Europe, l’Amérique et l’Asie. On nous aime, mais parfois on nous déteste aussi. Il ne connaissait personne, et je travaillais là, donc je connaissais Paloma, quelques personnes du groupe de danse latine et, en plus, j’avais commencé à sortir avec une fille, Phuong. Cependant, Miguel, même timide, savait se faire des amis aussi, et il a téléchargé des applis de rencontre communautaire pour connaître de nouvelles personnes, pas exactement pour draguer. Ça a marché, et vite.

Année 2024. Enrique, ainsi que Chuan et Lois, se plaignent. Le groupe d’amis de toujours, autrefois très proche, se voit de moins en moins. On ne sait pas si c’est l’influence des copines ou quoi, mais les rencontres hebdomadaires sont devenues mensuelles, sans faire la fête en boîte, mais, dans le meilleur des cas, avec le nouveau « tardeo ». Peut-être est-ce la trentaine, une nouvelle étape de la vie que tous n’ont pas encore atteinte et dont l’aboutissement final est la venue des enfants. La vie associative a aussi beaucoup diminué, et même ma chère Manille, où j’habitais, a changé : moins de karaokés, moins de sourires, moins de pauvreté, plus de stress et surtout plus de smartphones.

Novembre 2025. Après une forte évolution pendant l’année, en me libérant du stress des mathématiques et de la « famille », et surtout en cherchant une personnalité plus stable après le coup de boost de la débauche aux Philippines et la chute de Pablo Gargallo et du Vietnam, je m’entraîne pour mon intégrité et pour retrouver une illusion de vie : pour les voyages, pour les projets — comme ce blog en français — et pour les projets sociaux, afin de connaître de nouvelles personnes dans le paradis canarien. Pourtant, ce n’est pas facile : les activités communautaires sont de moins en moins populaires, les gens ont déjà leurs groupes, et des profils comme le mien, pourtant pas si étranges, n’arrivent pas à se rencontrer ni à se cristalliser en nouveaux groupes.

Bien sûr, comme dans tout le monde, j’ai essayé avec la bachata : je suis bon là-dedans et elle est devenue très populaire partout. Toutefois, je commence à la trouver ennuyeuse et je m’incline vers des activités plus culturelles où je peux avoir des conversations plus profondes, comme avant, tout en respectant ma personnalité. Je consulte l’agenda culturel de toute l’île et de l’Université de La Laguna, mais malheureusement, le sud de Tenerife ne semble pas être le bon endroit pour ça. Pourtant, loin de me rendre, j’essaie d’autres tactiques que j’ai apprises pendant mes neuf années autour du globe : je télécharge des applications pour rencontrer des personnes avec mon profil, en faisant des activités comme des échanges linguistiques ou des sports, comme Miguel le faisait trois ans auparavant, mais, étonnamment, il n’y avait presque rien : trois ou quatre activités faibles et sans participants — et on parle d’un lieu fortement touristique !

Que se passe-t-il ? Sont-ce mes yeux et ma situation qui font que je vois les choses plus pessimistes qu’elles ne le sont vraiment ? La situation économique réduit-elle l’enthousiasme et l’énergie des gens ? Est-ce la trentaine, proche de la quarantaine ? Est-ce l’influence des réseaux sociaux et de leurs nouveaux algorithmes utilisant l’intelligence artificielle ?